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LAT. : 48° 51’ N
LONG. : 2° 21’ E


Récompensé il y a quelques semaines par le Label de l'Artisanat Belge pour son incroyable travail, Lander de Weerdt, forgeron, est aussi impressionnant d'habileté qu'il ne l'est par son jeune âge, 21 ans ! 

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Comment t'es venue cette passion de la forge ?


Auprès de mon père, lui-même forgeron. Assez facile de s'initier lorsque la forge est à la maison, et puis il m'a permis très tôt de réaliser mes premières pièces. A 3 ans je commençais à forger avec lui de petits couteaux, des médailles… Mon intérêt grandissait. Mon écoute et la confiance de mon père sont à l'origine des réalisations qui ont véritablement fait naître ma vocation !

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Selon l'expression française (presque consacrée), "C'est en forgeant qu'on devient forgeron", mais as-tu également suivi une formation officielle ?


Non. En revanche j'ai intégré un temps l'équipe d'un entreprise industrielle. Et si j'ai énormément appris sur mon métier en travaillant pour eux, l'ambiance n'était pas du tout faite pour moi, j'ai préféré partir. 
Ensuite j'ai été l'apprenti, en même temps qu'un autre garçon, d'un forgeron un peu fou. Une expérience très formatrice aussi.

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D'où tires-tu l'inspiration pour tes projets artistiques et ornementaux ?


Lorsqu'une piste se dessine dans mon esprit, soit parce que j'ai vu telle sculpture, ou bien parce que tel animal a croisé mon chemin, je passe beaucoup de temps à faire des recherches sur le nouvel objet de mon attention. Je suis continuellement à l'affût. Si une fleur m'intéresse par exemple, je vais en trouver une, l'analyser pétale par pétale, noter sa construction, la texture de la tige… J'aime aussi observer les animaux, et s'il faut aller au zoo pour avoir la chance d'en voir un particulier, ce n'est certainement pas ça qui m'arrête. Je me suis d'ailleurs amusé à aller y dessiner des paons dernièrement. La contemplation fait du bien et aide à comprendre beaucoup de choses sensibles. 

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Tout se passe in vivo ?


Essentiellement oui, mais je suis aussi fasciné par l'incroyable variété de techniques de forgeage que l'on peut découvrir sur Youtube ! 

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Un forgeron favori sur la toile ?


Pave. W et aussi Autine Tools.

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Qu'est-ce-que tu retires le plus de ces tutos ?


Je peux appréhender pas mal de nouveaux gestes. On ne se rend en revanche pas compte je pense, sans être initié à la forge, des conditions de réalisation des pièces. La semaine passée il faisait 37 degrés dans la région, ce qui est déjà énorme, mais dans mon atelier du coup la température avoisinait les 50 degrés et j'étais obligé de travailler de nuit. 
Un forgeron est tributaire des éléments en quelque sorte, notre lien à la matière est intense et physique, tout comme la méthode de façonnage.

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Tu as reçu il y a quelques semaines le fameux Label UNIZO, pour l'artisanat belge d'exception. C'est une sacrée reconnaissance ! Son aura t'influence-t-elle ?


Je suis très honoré par ce prix évidemment. D'autant plus que la rose, emblématique de mon travail au regard de ce prix, est une création à laquelle je tiens beaucoup et que j'ai développée avec davantage de finesse à la disparition de ma mère il y a quelques mois, pour lui rendre hommage. Je voudrais réaliser 100 roses comme celle-ci. Je ne suis pas encore sûr du but ultime de ce projet, mais c'est en tous cas un challenge intéressant. Et c'est parfait que j'en fasse une nouvelle pendant que vous êtes là.


Tes pairs ne pouvaient pas savoir jusqu'à maintenant comment tu procédais pour réaliser tes fameuses roses. Tu nous as laissé photographier chacune des étapes et nous pouvons les publier en ligne aujourd'hui. Pourquoi ne pas garder secret ce process qui t'a ouvert la voie ?


Les Belges sont super protectionnistes avec les process, ça me plait de déjouer cette attitude. Une petite anecdote personnelle pour vous montrer quand même le niveau atteint... il y a peu j'ai fait un important trajet pour aller acheter un marteau à une entreprise, qui m'a reçu entre deux portes! C'est ridicule, de nombreux savoir-faire de forgerons belges ont été perdus à cause de cela lorsqu'une génération entière s'est éteinte sans avoir transmis ses gestes à des apprentis. La génération qui me précède reprend le flambeau, de petits groupes se forment, échangent etc, mais ces lacunes n'avaient juste pas lieu d'être. 
En outre, ça me fait plaisir de partager mon savoir-faire au travers de vos images, et les gestes d'un artisan et ses outils sont sa signature, il est donc quasiment impossible de copier complètement un ouvrage en fait.

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Et si un forgeron se procurait les mêmes outils que toi ?


Vous touchez là à un point crucial. Il n'est plus possible d'acheter du matériel de forge neuf. Les outils que vous voyez dans l'atelier sont soit des achats de énième main, soit des outils "faits maison". Ma toute nouvelle enclume a plus de 300 ans !

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Il y a donc un héritage qui s'opère de fait entre forgerons. Quel rapport entretiens-tu avec les techniques des anciens?


Si je réalise tout à la main, je m'empare de techniques modernes pour améliorer ma productivité, c'est obligatoire pour faire vivre l'atelier. Lesdites techniques m'aident tout autant pour des réalisations contemporaines que classiques. J'injecte en somme de la rapidité d'exécution dans les étapes "mécaniques", pour pouvoir apporter plus de soin encore aux finitions. Ce qui ne m'empêche par pour autant de savourer par exemple les moments de montage de mes roses (pour lesquelles les découpes se font désormais aussi grâce à un système industriel extrêmement efficace. Ainsi libéré, plaisir et symbolique peuvent m'accaparer.

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Tu es à la tête de ta propre entreprise depuis maintenant deux ans, pourquoi avoir élu cette difficile option si jeune?


Quand je vous disais tout à l'heure que le groupe que j'avais intégré n'était pas fait pour moi, je n'étais pas non plus fait pour eux (rires). Je suis très têtu et j'ai tendance à suivre les consignes à ma façon… Il n'est pas non plus évident de travailler en famille, donc je n'ai pas eu envie de rejoindre mon père au sein de sa forge. Et puis j'ai eu l'opportunité de commencer à louer une partie de ce hangar car il appartient aux parents de mon meilleur ami, ça a été le déclencheur final de mon choix. Je n'avais pas encore 20 ans à l'époque. Mais avec de belles réalisations à présenter aux clients et en prenant l'habitude de porter un costume et une cravate lorsque je vais en rendez-vous de chantier, tout se passe bien même si je suis bien sur forcément jaugé au départ au regard de mon âge. Après l'étape de la "surprise" d'avoir en face d'eux un si jeune professionnel, le projet reprend le devant de la scène facilement.
Et pour le reste, j'ai appris à gérer mon entreprise au fur et à mesure. Quand il arrive malgré tout que l'autonomie ne suffise plus, je n'hésite pas à demander conseil, notamment à mon père.

 

 


De Smid
Malines, Belgique

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