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LAT. : 43° 14’ N
LONG. : 1° 17’ O


Membre du cercle des créateurs basques et répertoriée sous le prestigieux label des "Entreprises du Patrimoine Vivant", la fabrique de poteries Goïcoechéa est nichée au coeur du Pays-Basque, en Basse-Navarre, dans le petit village d'Ossès.
Michel Goïcoechéa est à l'initiative d'une zone artisanale baptisée "Village des Artisans d'Ossès". Ce dernier a été inauguré en 2007 et est dédié à la préservation des artisans locaux, à la mutualisation de leurs savoir-faire afin de créer un pôle de partage de visibilité.

La fabrique Goïcoechéa est restée une entreprise familiale depuis plus d'un demi-siècle, combien de membres de la famille y travaillent aujourd'hui ?


– Michel : 6 des 25 employés font partie de la famille: ma femme Terexa et moi-même, nos enfants, Maïtena et Iñaki, ainsi que mes soeurs Babeth et Dominique qui oeuvre, elle, à la boutique de St-Jean-de-Luz.

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Quelle est la superficie du lieu où nous nous trouvons ?


– Iñaki : Le site des Poteries Goïcoechéa fait 6000m2, dont 1000m2 alloués au showroom-boutique.

 

Vous avez l'air très bien installés et votre showroom est impressionnant, mais avez-vous en tête d'agrandir le site ?


– Iñaki : Le showroom pourrait être encore plus incroyable, mais une fabrique fonctionne un peu comme une maison. Dans le sens où vous avez tout intérêt à ne pas la choisir trop grande pour ne pas être tentés d'accumuler trop de bazar. C'est le bazar qui fait perdre du temps et empêche d'avancer.

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Quels types de poteries proposez-vous ?


– Iñaki : Une gamme destinée au jardin que nous vendons en direct depuis notre showroom d'Ossès et notre boutique de St-Jean-de-Luz, mais qui est également présente chez différents revendeurs en jardinerie.
Une gamme fabriquée grâce à la technique dite "à la corde", composée de pièces géantes pouvant atteindre jusqu'à 140cm.
Une gamme de plus petites pièces, essentiellement tournées. Notre terre étant extrêmement molle, au delà d'une certaine taille, les pièces doivent être tournées en plusieurs morceaux ensuite assemblés.
Ainsi que deux gammes réalisées par ma tante Babeth : de petits services de vaisselle peints à la main et émaillés avec de l'émail alimentaire, ce qui leur donne des teintes plus pastels, ainsi qu'une série de pièces décorées avec des "réserves". Autrement dit, on applique des caches formant un décor sur une pièce avant de l'émailler. De ce fait, l'émail ne se dépose pas sur les zones "réservées" et le retrait des caches dévoile des décors en terre brute.
Quelques pièces uniques sortent également de notre fabrique chaque année.

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D'où provient la terre que vous utilisez pour vos poteries ?


– Iñaki : Les deux principales couleurs de terres naturelles utilisées sont une terre rosée issue de nos carrières familiales, et une terre grise obtenue par teinture de la terre rosée grâce à un ajout d'oxyde de manganèse. Nous proposons aussi une terre blanche riche en kaolin que nous faisons venir d'Allemagne pour sa qualité rare. 

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Préparez-vous toujours vos matériaux comme le faisait votre père aux débuts de la manufacture ?


– Michel : Non, nous avons développé au fur et à mesure des années tous les moyens nécessaires au traitement de la terre prélevée dans nos carrières, mais aussi nos propres techniques de préparation des émaux. Cela nous assure d'une part le contrôle de toutes les étapes de fabrication, et d'autre part pour les émaux l'obtention de couleurs uniques, mises au point patiemment au fil de nos expérimentations. La famille Goïcoechéa a en effet à coeur de créer comme un laboratoire. Nous sommes acteurs de la manufacture de nos produits de A à Z, de façon responsable.

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Nous avons pu voir une importante variété de couleurs dans votre showroom, avez-vous défini un panel ou varient-elles de façon saisonnière ?


– Iñaki : En dehors des 3 teintes de terres brutes, nous utilisons une variété d'émaux dont nous avons arrêté le nombre aujourd'hui. Ce qui ne nous empêche pas de les traiter en mélanges, de jouer avec leurs propriétés -révélées à la cuisson- ainsi qu'avec des effets de patine.

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Quelles possibilités de personnalisation offrez-vous à vos clients ?

Les poteries Goïcoechéa sont non seulement présentes dans plusieurs points de vente sur le sol français, mais s'exportent aussi à l'international. Parmi toutes les références de votre catalogue, qu'est-ce-qui a fait votre renommée ?


– Michel : La poterie à la corde nous a permis d'obtenir un vrai marché notamment auprès des jardineries, la technologie apportée par Iñaki est venue quant à elle prêter main forte à l'ensemble des artisans de la manufacture en nous permettant de potentialiser davantage nos produits, et puis il y a notre rouge… c'est notre couleur phare depuis son lancement.
Mais sincèrement, je pense que sans l'esprit précurseur de mon père qui n'a eu de cesse d'aller aux devants des clients, notre entreprise n'aurait pas l'aura dont nous sommes si fiers aujourd'hui.

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Quel est le secret de cette fabrication "à la corde" ?


– Iñaki : Ce n'est pas nous qui l'avons inventée, elle date de l'antiquité. En revanche, notre famille perfectionne cette technique depuis 3 générations, et si aujourd'hui l'héritage était perdu, je ne sais pas si on recommencerait tout l'impressionnant processus débuté par mon grand-père.
Le principe de base consiste à assembler une silhouette de bois sur laquelle on vient enrouler une épaisse corde. Ensuite de la terre souple est jetée manuellement contre la corde, morceau par morceau, pour qu'elle puisse pénétrer de façon homogène les interstices et générer l'épaisseur du futur pot, tandis qu'un gabarit lisse l'ensemble de l'ouvrage.

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Quelle politique de création suit votre famille depuis trois générations ?


– Iñaki : Nous accordons une part importante de notre temps à l'expérimentation et la mise au point de prototypes. Mais nous devons en permanence garder à l'esprit la question de la rentabilité. Car contrairement à d'autres manufactures de céramique dites artistiques, nous avons un impératif de subsistance.  

– Michel : C'est la que réside la différence entre l'artisanat et l'artisanat d'art : le temps accordé à la recherche.

– Iñaki : Enormément de système D, de détournement de machines industrielles (extrudeur utilisé à l'origine pour la fabrication de tuiles, dénoyauteur à pneus, …) pour se réapproprier leur précision dans le but de réaliser certaines tâches délicates ou laborieuses. Notre mécanicien est constamment sur le pont !

Estampage, tournage, pressage… autant de procédés qui peuvent être rejoués avec de l'imagination.
D'un côté nous avons une production manufacturée, mais en série, des lignes de pots qui ont fait leurs preuves jusqu'à présent, et qui nous permettent d'être présents dans les jardineries et donc auprès du grand public. D'autre part nous développons des pièces uniques, inspirées de formes antiques retravaillées, de nos voyages, nos découvertes. 
Par ailleurs nous avons le plaisir de produire ponctuellement des poteries extra-ordinaires destinées à intégrer des projets d'architectes pour des clients privés, des établissements (une commande de poteries est en cours pour un hôtel à Marrakech, mais nous avons aussi eu à réaliser des carreaux de céramique pour un bar à Pampelune), ou encore des projets d'urbanisme (quartier réhabilité par Vinci à Issy-les-Moulineaux). 

– Michel : Nous avons aussi récemment fait le test d'une collaboration avec un designer Basque de chez Alki, tout s'est très bien passé parce que nous nous comprenions, mais ce n'est pas l'exercice le plus évident. Quand Iñaki ou l'un de nos artisans dessine un modèle il le fait avec sa connaissance du matériau, alors qu'un designer néophyte se sera très probablement arrêté à une satisfaction vis-à-vis de la forme. 

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Comment votre pratique a-t-elle évolué avec l'arrivée de la nouvelle génération Goïcoechéa ?


– Michel : Iñaki a donc apporté son savoir-faire en logiciels 3D qu'il a eu l'occasion de beaucoup pratiquer durant ses études de céramique industrielle. Par ailleurs son projet d'étude était la mise au point des fours que nous utilisons aujourd'hui pour la cuisson de l'ensemble de nos pièces. 
Contrairement aux fours à bois des débuts et aux fours au fuel que nous utilisions encore il y a 8 ans, les fours "cloches" à gaz qui nous servent désormais assurent une cuisson extrêmement précise et régulière. Sans oublier que leurs différents capteurs et systèmes automatisés parfaitement fiables nous libèrent de la surveillance qui nous enchainait jour et nuit à la manufacture.

– Iñaki : Les logiciels de 3D sont un vrai atout pour nous pour imaginer de nouvelles courbes, pour travailler les galbes selon des ratios basés sur le nombre d'or, un outil intemporel qui se conjugue merveilleusement avec les possibilités de la 3D. Innovation VS savoir-faire ancestral

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Quels sont les paramètres qui "contraignent" votre production ?


– Michel : Nous adorerions pouvoir travailler avec la liberté qu'ont par exemple les artisans de la manufacture Nationale de Sèvres, mais nous ne pouvons écarter notre souci de rentabilité.
Ensuite, les temps de séchage et de cuisson des poteries sont conséquents compte tenu de leurs épaisseurs et de leurs tailles imposantes. Avant de passer en cuisson, les pièces les plus grandes peuvent nécessiter jusqu'à 1 mois de séchage, puis la cuisson en elle-même dure une semaine. Les pièces vendues brutes sont alors prêtes, mais celles restant à émailler demandent encore un long temps de séchage et une nouvelle cuisson.
Enfin l'impossibilité d'être certains de la réussite à 100% de notre production malgré l'amélioration de notre maitrise depuis la création de la manufacture. Ce parce que nous travaillons un matériaux minéral vivant et sensible aux variations jusqu'à sa sortie finale du four. Un pourcentage de casse est donc inévitable. 

 
Qu'y a-t-il de plus gratifiant dans votre métier ?


– Michel : Nous en parlions juste avant, c'est ce même aspect d'une cuisson lente et de résultats incertains qui confèrent à notre métier toute sa magie. Deux pièces "réussies" même produites en série ne seront jamais identiques. 
Chaque lundi matin, c'est en famille que nous assistons à l'ouverture rituelle des fours, afin de juger ensemble de la qualité de notre production, de partager émerveillement et mises au point. Biensûr c'est à ce moment que nous validons les pièces aptes à partir à la vente, mais c'est avant tout un moment d'émotion tactile. Nos poteries portent en elles notre histoire basque, l'accent de notre terre.

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Quand vous êtiez petit rêviez-vous de prendre un jour les rênes de l'entreprise familiale ?


– Michel : Oh pas du tt, même si j'aidais de temps en temps mon père à la manufacture, je me voyais plutôt rockeur ou rugbyman !
Contrairement à Iñaki qui nous a toujours dit vouloir travailler avec nous à la fabrication des Poteries Goïcoechéa.
Mais je ne regrette pas mon choix ultérieur. Quand nous avons repris l'entreprise avec ma femme Terexa en 1982, c'était en connaissance de cause et parce que nous le désirions.

 

La question de la transmission est-elle importante pour vous ?


– Michel : Seulement 4 personnes de la fabrique sont capables de réaliser les poteries les plus complexes de notre catalogue, il est donc fondamental de s'intéresser à la transmission de notre savoir-faire. D'autant plus qu'il faut au minimum 5 ans de pratique pour être capable de réaliser des poteries de qualité. Depuis quelques temps un de nos meilleurs potiers, Jeannot, 58ans (signataire de quelques unes des pièces uniques que vous admiriez tout à l'heure) a pris sous son aile Iban, un jeune apprenti de 23 ans.

– Iñaki : Nous ne sommes pas très nombreux dans l'atelier, mais on a l'idéal, chacun est autonome, tout peut marcher sans s'arrêter. Nos artisans sont polyvalents et possèdent des savoir-faire exceptionnels qui permettent aux Poteries Goïcoechéa d'avoir un réel horizon devant elles.

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Nourrissez-vous parfois votre savoir-faire au contact de personnes étrangères à la manufacture ?


– Michel : Absolument ! Nous restons évidemment ouverts à l'apprentissage, c'est primordial. J'ai d'ailleurs fait venir à plusieurs reprises un formateur de la Manufacture Nationale de la Céramique de Sèvres, dont j'admire infiniment la production, pour qu'il nous aide à affiner nos techniques dans des domaines bien précis tels que l'émaillage. La création impose que l'on garde à l'esprit que l'on a toujours à apprendre de quelqu'un. 

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Votre métier est très physique, prenez-vous particulièrement soin de votre santé en dehors ?


– Iñaki : Effectivement une majorité de nos étapes de travail sont éprouvantes pour le squelette, et nous devons également faire attention aux tendinites. Je fais beaucoup de sport pour compenser les efforts d'atelier, et puis je soigne mon alimentation pour pouvoir avoir assez d'énergie pour allier les deux. Mon frère fait la même chose, et si au départ notre père se moquait un peu de nous, il nous suit désormais. Mon grand-père, lui, avait tout donné à la manufacture, son savoir-faire, mais aussi sa santé. Notre devoir à présent est de faire perdurer son héritage.

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"On a pas assez d'une vie pour tout faire." Iñaki

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"Mais pour au moins essayer, il faut le savoir-faire, les techniques… et puis une envie de pérennité, l'amour du métier, mais aussi la passion" Michel

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A quoi ressemble une journée type chez les Goïcoechéa ?


– Michel : pas de journée type pour moi, je navigue entre des rendez-vous avec des clients, les réunions, les voyages commerciaux dans toute la France... ah si, il y a toujours un temps que je prends pour m'installer au piano, c'est essentiel.

– Iñaki : mon père c'est un peu le Saint Esprit, on sait qu'il existe, mais personne ne sait où il se trouve ! Quant à moi, je passe mes journées ici, je m'occupe de coordonner la production. Il faut se dépasser, être constamment en recherche, en éveil de tous ses sens.

– Terexa (la maman, qui nous a rejoint entre temps) : Iñaki ne s'arrête jamais, le midi il nous questionne sur telle ou telle cuisson, sur la possibilité de mise au point d'une nouvelle technique… Il a ça dans le sang !

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LE SITE
Village d'Artisans, Ossès, France

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