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LAT. : 43° 23’ N
LONG. : 1° 38’ O

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Guy Vaughan Serjeant, un personnage insolite débarqué il y a quelques années d'Outre-Manche après un long périple. 
Des planches de surf uniques fabriquées à la main, sur la côte basque, dans le plus pur respect des traditions.

Merci à Bain(iade) de nous avoir soufflé ce merveilleux contact.

Qui êtes-vous ?


Guy Vaughan Serjeant, 29 ans, originaire du Comté de Devon en Angleterre.
Ma femme s'appelle Hanni, elle est Allemande, mais vous ne la verrez pas ce matin, elle est partie surfer (discrète, Hanni? On ne le saura pas, elle s'est évadée avec son surf pendant toute la journée qu'on a passée avec Guy).

 

Quelles formations aviez-vous suivies initialement, en Angleterre pour toi et en Allemagne pour Hanni ?


Après mon BAC, j'ai décroché une place dans une fac de littérature anglaise, mais je voulais voyager. Mon année de voyages s'est transformée en 2 puis 3 ans et j'ai perdu ma place en fac. Tandis qu'Hanni, était en master de sciences du sport dans une université d'Allemagne de l'Est : sociologie, philosophie, un cursus sans carrière pré-déterminée.

 

Quelles sont les circonstances de votre rencontre ?


En Nouvelle-Zélande, il y a 7 ans, où on accumule à l'époque les petits boulots (cueillette de fruits, etc…) depuis nos arrivées respectives, mais au bout d'un moment impossible de rester sur le territoire sans job fixe. On se renseigne alors sur les qualifications recherchées en Nouvelle-Zélande pour des emplois longues durées. Hanni m'aide à comprendre ce que je désire faire de ma vie, j'aime le surf, j'ai un profond respect pour l'océan depuis toujours, et il s'avère que sur leur liste officielle il y a "charpentier de marine". On décide de suivre le filon.

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Que se passe-t-il alors ?


On retourne en Angleterre, plus précisément en Cornouailles, pour que je puisse suivre une formation de charpentier de marine. Pendant 3 ans j'apprends à construire des bateaux de pêche, je m'initie aux techniques navales, je découvre tous les principes de flottaison qui me servent aujourd'hui.

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Que fait Hanni pendant ce temps là ?


Puisqu'on veut vraiment rester ensemble, elle me suit jusqu'en Angleterre, mais elle est n'y est pas vraiment chez elle et son diplôme théorique lui pose quelques problèmes de légitimité. Pourtant elle parvient assez rapidement à devenir enseignante de sport dans un collège, puis elle travaille un moment dans une ferme d'élevage de moutons, et donne des cours d'équitation.

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Une fois ta formation terminée, quel était votre plan ?


A la base, retourner en Nouvelle-Zélande pour s'y installer, mais entre temps la qualification de "charpentier de marine" avait été retirée de la fameuse liste d'offres d'emplois, donc on a du renoncer. Pourtant on n'était pas tristes, on s'est dit qu'il y avait surement une raison. Et puisqu'on avait en tête de s'installer ensemble quelque part dès lors que j'aurais eu fini ma formation, on a décidé de chercher notre lieu de vie idéal. Forcément près de la côte, avec de bons spots de surf si possible, un lieu où on aurait envie de construire quelque chose. C'était un peu fou de prendre les questions dans ce sens, de ne pas commencer par chercher un endroit où il y aurait du travail pour nous deux, mais c'est quand même ce qu'on a choisi de faire.

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Où êtes-vous allés ?


On est arrivés au Portugal, au nord de Lisbonne, on y a passé un an sans beaucoup en bouger. Puis on s'est dirigés vers la France, c'est comme ça qu'on a découvert la Galice (ndlr. pointe nord-ouest de l'Espagne), qui est une des plus belles régions du monde que j'ai eu l'occasion de voir jusqu'à aujourd'hui. En France, on arrive assez vite à Saint-Jean-de-Luz, où on commence par faire du wwoofing (= consiste à être accueilli chez l'habitant, souvent dans des exploitations agricoles, contre une charge de travail), et c'est grâce à cette expérience qu'on découvre le coin qui va devenir notre paradis, la côte entre Saint-Jean-de-Luz et Guéthary. Juste incroyable! C'est magnifique, les vagues sont super agréables à surfer et la communauté de surfeurs, dont beaucoup sont devenus des amis, est vraiment top. 

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Quand as-tu commencé à "shaper" ?


En 2012, la fabrication de planches est devenue mon métier pour de vrai. Hanni, elle, s'occupe des réparations. Pendant plusieurs mois, l'atelier était installé dans un abri de plage, l'accueil inoccupé d'un camping que le propriétaire nous prêtait. Ce n'est qu'il y a un an qu'on a trouvé cet endroit. 

" Le XXIe siècle c'est space, c'est le futur, j'aurais aimé que vous puissiez mettre une date avant l'an 2000, mais bon au moins je pourrai dire aux générations futures que j'ai commencé à surfer en 19.. , ça c'est cool !  Et puis notre année, c'est même pas la vérité, c'est à partir d'un point random ! "

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Cet endroit, c'est quoi ?


Un garage dans une Zone Industrielle, mais vous voyez on a bien tiré parti du lieu. On a agrandi nous même le garage, assez petit à l'origine, tout en le cloisonnant pour créer différentes pièces pour nos activités, notamment une bien isolée pour toutes les étapes de ponçage qui créent beaucoup de poussière. On est à côté de l'atelier d'un menuisier, sous la maison d'une petite vieille, on est tranquilles et on a un jardin ! Au départ au bout du jardin on voulait faire un potager, mais ça n'a pas fonctionné… donc on va profiter de l'espace pour créer une annexe et gagner encore un peu de place. 

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Tes planches, tu les conçois comment ?


Je fais du vrai sur-mesures, du coup pour connaître les besoins des surfeurs qui viennent me voir pour me commander une planche, je fais un peu le psychiatre. Pour que la planche corresponde au surfeur, à sa façon de prendre les vagues, il faut cerner sa personnalité. Ensuite, c'est un jeu de compromis entre ce qu'ils veulent et ce qu'ils sont réellement. Ca ça s'apprend avec le temps. Il n'y a pas de "CAP shaper" donc on doit apprendre autrement, avec ses tripes. Beaucoup d'aspects techniques de la fabrication des surfs n'ont pas évolué depuis les débuts, l'oeil est important pour un "shaper". Oui certains calculs basiques liés à la corpulence du surfeur en regard de la surface de flottaison d'une planche sont incontournables, mais mon apprentissage en charpenterie maritime m'a appris la physique des matériaux, leur rapport à l'eau, et je ne fais au final aucune distinction entre un navire et une planche de surf. Tous deux permettent d'entrer en relation avec l'océan.
Mes planches sont spécifiques aux vagues d'ici, de la côte entre Saint-Jean-de-Luz et Guéthary. Bien sûr si quelqu'un me demande une planche pour un voyage au Mexique par exemple, j'étudierais les conditions de surf là où il souhaite utiliser la planche et j'essayerais de lui faire une bonne planche pour profiter du spot. On peut shaper une planche un peu polyvalente, mais de toutes façons rien n'est parfait, tout n'est que compromis pour trouver la balance, l'équilibre. 
Certains surfeurs s'entêtent à surfer toujours la même planche quelle que soit la vague, souvent une planche choisie par mode, mais en réalité chaque vague nécessite une planche avec une courbe particulière. Il y a d'ailleurs un nom pour désigner quelqu'un qui utilise plusieurs planche : un "quiver" (ndlr. Guy en a quant à lui une dizaine, et nous a fait la démonstration du départ à la plage avec 3 planches dans sa camionnette pour être sûr d'avoir le choix en découvrant les vagues du jour).

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Et la réalisation technique ?


Je dessine un demi-patron des courbes de la future planche dans du médium fin, que je découpe et ponce pour parfaire la silhouette. 

Ensuite je reprends ce patron qui me sert à tracer sur un pain de mousse polyuréthane une "demie-planche", puis je retourne le patron et j'obtiens en miroir l'autre "demie-planche", comme ça je suis sûr d'avoir une symétrie parfaite. Ce qui est très important pour la flottaison et la maniabilité de la planche. 

Une fois découpé, je ponce le pain de mousse et le recouvre de fibre de verre, que je viens enduire avec un mélange de résine polyester et de durcisseur. Pour que cette manoeuvre s'effectue au mieux, que la résine prenne facilement, je dois chauffer beaucoup la pièce dans laquelle je travaille et du coup un masque filtrant est indispensable pour me protéger des vapeurs chimiques. A compter de ce moment, j'ai 20min pour répartir le plus précisément possible la résine. Après un temps de séchage, je ponce pour éliminer les bulles et défauts de la résine, notamment le long de la zone de chevauchement des deux lés de fibres de verre (endroit et envers de la planche). J'enduis à nouveau la planche avec de la résine et la re-ponce très finement. C'est à ce moment là que je peux prendre du plaisir à la décorer. 

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Pour fabriquer tes planches tu utilises des matériaux synthétiques, penses-tu que ça colle avec l'esprit du surf ?


J'adorerais faire davantage de planches de surf en bois, comme les Alaias qui sont des planches traditionnelles hawaïennes sans aileron. Travaillées avec une légère incurvation pour guider d'eau, elles sont plus rapides et techniques, parce que plus délicates à manier que les planches modernes. Et puis il y a des modes dans le surf, comme partout, et la mode actuelle veut que les planches soient en matériaux composites synthétiques, donc je m'adapte parce que je dois pouvoir vivre de mon métier. Mais même si les produits que j'utilise sont mauvais pour l'environnement, j'essaye d'être le plus responsable possible en m'efforçant de créer des planches que les gens auront envie de garder longtemps, et Hanni intervient quand il y a des réparations à effectuer. 

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Qu'y-a-t-il de plus gratifiant dans ton travail ?
Ce qui est génial avec mon métier c'est qu'il comprend une part de technique et une part artistique presque spirituelle, une planche de surf c'est une sculpture fonctionnelle. Je bosse la couleur, les dessins, j'ai parfois l'occasion de faire des incrustations de bois, des dédicaces… et je signe mes réalisations. Ensuite quand tu repères tes planches dans l'eau, tu observes leur glisse, tu essayes de capter le plaisir que prend le surfeur… c'est assez incroyable.
 


" une planche de surf c'est une sculpture fonctionnelle "

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Que représente une planche pour un surfeur ?
Pour moi par exemple, le surf régit ma vie depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Comme on en parlait tout à l'heure, j'ai estimé que mon épanouissement dépendrait de la proximité de mon lieu de vie et de travail par rapport à la côte, et c'est la même chose pour Hanni, c'est sûrement pour ça qu'on se comprend si bien. Et dans tout ça, même si tu dois l'apprivoiser, la planche est le moyen d'aller à la rencontre de l'océan. Elle crée le lien précieux tout en te protégeant des éléments, elle agit un peu comme un talisman. 

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Ton carnet de commandes se porte comment depuis 2012 ?


Même sans le coup de main à Hanni pour les réparations, en général mon carnet de commandes est plein pour les 3 mois à venir. Quand on a décidé de s'installer à Saint-Jean-de-Luz, on ne voulait pas marcher sur les plates bandes d'autres artisans shapers, mais on a constaté qu'on serait les seuls dans le coin. En revanche les surfeurs, eux, sont de plus en plus nombreux, donc on a du travail. Mes premières commandes ont été passées par des potes rencontrés à notre arrivée dans la région. La communauté de surfeurs est forte ici, et ce réseau m'a beaucoup aidé dès le début. 

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A quoi ressemble une journée type pour toi ?


On peut dire que je travaille à l'atelier de 9h à 15h, puis que je vais surfer. Enfin en tous cas c'est ce que je vais faire aujourd'hui avec vous. 
En réalité, si nos chats font trop de bruit le matin je me lève tôt, sinon je ne mets pas vraiment de réveil.
Je travaille en fonction de ma santé, de la saison, de la météo, du surf…
Pendant les dix ans où j'étais "nomade", je devais me plier à des horaires précis, puisque je peux faire autrement aujourd'hui, je ne veux plus me forcer à suivre un schéma systématique. 
Mais ce n'est pas pour autant que je ne travaille pas, seulement je le fais à mon rythme, je suis mon propre patron. J'adore bosser la nuit, jusqu'au petit matin. J'allume la radio, y'a plein de programmes cool, différents. 

Et puis je ne prends mes dimanches que depuis peu, pour aller à la piscine, faire des apnées, me promener… ça fait quand même du bien de faire autre chose pendant un moment.
Dans la vie on est libres, on peut l'être, mais pour cela il faut apprendre à se connaître.
Je fais du yoga tous les jours avant d'aller surfer, ça m'aide à me concentrer, à mettre mon corps dans l'effort, et puis je fais attention à ce que je mange. Je me sens plus en accord avec moi-même comme ça. Et puis je vis sainement aussi pour profiter au maximum de ce qu'on est en train de construire ensemble avec Hanni.

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" Dans la vie on est libres, on peut l'être, mais pour cela il faut apprendre à se connaître."

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A chaque fois que j'y pense, je n'en reviens toujours pas de ma chance que tout se soit concilié ainsi. 
Je suis heureux !

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LE SITE
20 avenue de layatz, Saint-Jean-de-Luz, France

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