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LAT : 45° 49’ N
LONG : 0° 1’ O


L’Atelier Garnier surprend par son atmosphère. Cet immense dédale abrite jusque dans le moindre de ses interstices des trésors récoltés (im)patiemment par Damien au fil des ans. Tant et si bien que leur prochaine installation nécessitera un espace d’au moins 2 000 m2 pour qu’ils puissent enfin tout avoir à portée de main et espérons-le s’attellent à la reproduction des plus beaux modèles pour lesquels ils détiennent les outils et autres moules... quelque part. 
Quand ils se rencontrent à la fin de leurs études au sein de l’atelier modelage de l’Ecole Boulle à Paris, leurs sensibilités ne tardent pas à entrer en résonance. De son envie de travailler le bijou, Mahnaz a gardé l’or, dont elle déploie gracieusement les feuilles sur les créations de son mari ou des restaurations. Tandis que Damien, lui, s’engage entier dans son abord de la matière. Bois brut et plâtre, envisagés à quatre mains expertes révèlent soudain leur champ de possibles beautés. Une divine alliance du Moyen-Orient et de l’Occident.

Zib le chat a-t-il lui aussi un talent (caché) ?


– Mahnaz : C'est un tueur fainéant. Mais peut-on vraiment appeler ça un talent ? 

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On comprend sans peine que votre rencontre à l'Ecole Boulle est déterminante pour la suite de votre avenir de créateurs. Quand vous êtes vous installés pour la première fois ? Rêviez-vous déjà de 2000m2 ?


– Damien : Si on en avait rêvé à ce moment là, on aurait été largement déçus ! Mais ce n'était pas le cas et nous étions ravis de nous mettre au travail en 1996 dans notre petit atelier du Faubourg Saint Antoine. 15m2, y'a qu'à voir ! 
Nos métiers demandent beaucoup d'espace, c'est ce qu'on a compris avec les années. Mais donc en 1996, on s'installe à notre compte dans cet espace qui nous contraint un peu. Ca ne dure qu'un temps, la naissance d'Anaïs, notre fille ainée, en novembre 1998, accélère notre déménagement. On a quitté Paris moins d'un an après pour venir s'installer ici, en apportant dans nos bagages la table que vous voyez là et cette verrière d'atelier qui signifie beaucoup pour nous.

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Comment s'est passée votre installation à Gourville ? 


– Mahnaz : Quand on est arrivés dans ce grand espace on se croyait dans un océan, on pouvait nager !

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" On a tous le droit au soleil. " Mahnaz

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– Damien : Et on était débordés par les commandes, mais pas du tout prêts à attaquer ! Ce lieu que vous voyez là n'était pas du tout en l'état. On a du faire beaucoup de travaux, étalés sur des mois, pour construire notre atelier. Atelier qui nous semblait un paradis par sa superficie, ses outils… mais qui aujourd'hui nous restreint à son tour. C'est normal, il y a un temps pour toute chose. D'ailleurs les mois de camping au milieu des travaux paraissent  bien loin maintenant.

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Et vos débuts alors ?


– Damien : On a commencé avec de gros clients antiquaires donc on faisait fréquemment des allers-retours à Paris. Et quelques chantiers de restauration de monuments historiques aussi. Ca fait beaucoup de commandes à la fois, mais même si ce n'est pas évident vu le calme qui règne aujourd'hui, on a été jusqu'à dix personnes à travailler de concert ici en 2001. En ce moment on oscille entre 2 et 4 à l'atelier, selon les besoins et les demandes de formation.

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Vous avez longtemps gardé une vitrine parisienne, c'était essentiel pour votre activité ?


– Damien : La vente de notre atelier parisien, nous avait permis d'acheter le corps de ferme de Gourville, alors en mauvais état mais ça nous a offert la possibilité aussi de reprendre un emplacement au sein du Viaduc des Arts -dans le 12e arrondissement à Paris- au bout d'un moment. Pas n'importe quel emplacement en plus, c'était l'atelier Lebeau, là où je m'étais formé durant un an, où était installé également Sayag, un fabricant de moulures pour les cadres. J'ai aussi racheté Prescilla, et ai donc récupéré leur stock de cadres moulés selon des méthodes traditionnelles. C'était un sacré truc, on avait énormément de matière pour démarrer, mais ça a été assez difficile à mettre en route à cause du local. 
Ca a ensuite fonctionné un temps, puis on a eu des problèmes de gestion. Il faudrait en réalité pouvoir tout superviser de près lorsqu'on a une entreprise, mais bon c'est le jeu. Et cette dynamique nous aura quand même ouvert des portes et poussé à faire faire de vrais catalogues par exemple.

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Quels conseils donneriez-vous à des ébénistes ou doreurs en herbe ?


– Damien : Il faut s'accrocher ! Et puis être polyvalent tout en étant très pointu dans les spécialités auxquelles on prétend. Depuis toujours je savais que je ferai quelque chose en rapport avec le volume, la sculpture… Ma formation en ébénisterie puis en sculpture et enfin moulure, à l'atelier du soir de l'école Boulle là où j'ai rencontré Mahnaz, eh bien cette formation m'a permis d'acquérir des savoir-faire complémentaires, qui me permette maintenant au quotidien de d'expérimenter dans ma pratique à partir de bases solides.  
Il existe des écoles comme La Bonne Graine à Paris qui est très bien pour la dorure. En ébénisterie, je n'arrive pas trop à savoir. Je suis passé par Auray, puis donc les cours du soir à Boulle, mais c'est l'apprentissage qui m'a réellement formé. J'étais bâtisseur dans l'âme, depuis tout petit, d'où mon CAP de menuiserie à Ruffec, mais en fait j'avais hâte de quitter le scolaire. Au final, aucun regret, c'est une chance de savoir allier les différents aspects du métier.

 

 

" Pour avancer dans la vie, si tu peux pas rentrer par la porte, rentre par la fenêtre. " Damien

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– Mahnaz : Aimer le côté archéologique et les puzzles est un atout évident ! Ainsi qu'une bonne connaissance des styles. 

 

 

" Certains objets il faut arriver à les lire pour comprendre ce qu’ils sont. " Mahnaz

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Dans quels cadres a-t-on pu avoir la chance d'apercevoir votre travail jusqu'ici ?


– Damien : Le magazine "Antiquité-Brocante" s'est intéressé à nous, ce qui nous a valu une publication, mais nous avons aussi fait des apparitions télévisuelles dans "Question Maison" sur France 5 par exemple, ou encore dans l'émission "Des Racines et des Ailes". Bien sur on a déjà fait de nombreux salons spécialisés, et puis nos créations étaient présentes jusque récemment dans notre boutique du Viaduc des Arts à Paris.

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Chacune de vos étapes de travail nécessite une minutie toute particulière et donc une grande concentration. Vous êtes dans quelles dispositions dans ces moments là ?


– Mahnaz: Souvent à fleur de peau… Quand je redore certaines pièces anciennes, j'ai l'impression de sentir les esprits qui accompagnent les objets que je restaure.

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N’y a-t-il que des choses rares voire précieuses dans votre atelier ?


– Damien : Oh il y a aussi beaucoup d’étrange tout simplement ! Comme la colle de peau de lapin, le mélange obtenu à partir de blanc de Meudon et de colle de peau de poisson ou encore les colles d’os et de nerf qui me servent quotidiennement en ébénisterie. Même pour les pièces les plus modernes ! Faut dire qu’on a pas fait mieux, et puis vu qu’on ne peut pas échapper à certains produits toxiques lors des décapages, on est ravis de rééquilibrer en utilisant de telles solutions millénaires. 

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Vos enfants sont-ils inspirés par votre travail ?


– Damien : Eh bien Anaïs, l'aînée qui a 16 ans, voudrait être commissaire-priseur, quant à Armand, ses 14 ans lui font pencher pour le moment vers la conception de jeux vidéos… donc oui probablement, mais avec chacun leurs singularités. Et c'est tant mieux, non?

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Avez-vous eu des mentors ? Des personnes qui vous ont guidé dans votre parcours ?


– Damien : Pas à proprement parler, mais plusieurs personnes ont joué un rôle déterminant dans mon chemin de vie et mes apprentissages.  Dans les années 80, beaucoup d'entreprises déposaient le bilan, j'ai eu peur pour le côté meubles, du coup je suis allé à Auray suivre une formation et ai croisé la route d'un prof génial, Monsieur Guillotin, qui m'a ensuite poussé à aller à Paris. Ma soeur quittait son appart à ce moment là, donc j'ai saisi l'occasion et m'y suis installé. C'est à cette époque que je combinais un travail au sein de l'entreprise Lebeau et les cours du soir à l'Ecole Boulle. Il y a eu alors la rencontre avec Mahnaz. Chacune de ses "étapes" m'a permis de devenir plus complet. Si j'ai forcément encore des lacunes, comme par exemple pour certains vernis, je continue d'apprendre quasiment au quotidien auprès des anciens. Un ami cher, Daniel, malheureusement décédé il y a peu, m'a transmis avec passion beaucoup de son savoir-faire.

– Mahnaz : Non, je me suis plutôt débrouillée seule, au gré des contraintes, notamment du fait du régime en Iran. 
J'avais tenté de suivre un cursus de peinture aux Beaux-Arts, en vain. En 1984 j'ai pu émigrer en France, attiré par la culture, je me suis inscrite à la fac, mais je sentais qu'il fallait que mes mains travaillent. J'avais fait des miniatures persanes, des choses très minutieuses, j'aimais ça, alors pourquoi pas le bijou? Acceptée à la BJO, l'école de bijouterie rattachée à l'Ecole du Louvre, j'ai profité des enseignements pendant une année, mais c'était trop cher pour moi, j'ai du arrêter avant de trop m'endêter. C'est comme ça que je me suis dirigée vers l'Ecole de Montmorency à Paris, et enfin les cours de dessin et modelage à l'Ecole Boulle.

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Le plus gros défi dans ce que vous faites ?


– Damien : Le système D, il faut être inventif et réactif ! J'ai acheté un stock de pigments à une dame qui avait une quincaillerie, on a récupéré aussi un stock de moules anciens en souffre et en plâtre dans une grange, et un second stock de moules lors de la liquidation de l'entreprise Prescilla. Même si maintenant les moules sont fabriqués en élastomère, les moules anciens fonctionnent très bien, et au pire je pourrai toujours les dupliquer dans un matériau plus technique un jour si besoin. 

C'est assez délicat également, pour nous qui sommes artisans, de démarcher pour obtenir des chantiers, de prospecter, de nous vendre en même temps que nous créons… 

 

 

" On pourrait refaire Versailles, dans ses détails, pas de souci. Mais on a pas souvent les clients. " Damien

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Gourville, France

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