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LAT. : 43° 17’ N
LONG. : 8° 18’ O


Entretien franco-espagnol avec Álvaro, éminent représentant du savoir-faire Seivane et fils du patriarche créateur de ces cornemuses d'exception qui s'exportent dans le monde entier. 
Prix National de l'Artisanat Traditionnel 2013.

 

 


La musique semble être un élément essentiel de la culture de Galice. Pourquoi la cornemuse en est-elle l'instrument traditionnel ?


La musique est une partie très importante de la culture d'un peuple. La cornemuse comme instrument populaire est passée par différents avatars avant d'acquérir la grande popularité que nous lui connaissons aujourd'hui, internationalement. Il existe désormais de nombreuses entités liées à la musique, à l'intérieur desquelles la cornemuse est présente, et dans une même famille, il peut y avoir deux ou trois cornemuses.

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Comment votre famille en est-elle arrivée à créer l'atelier ?


Notre patriarche, Xosé Manuel Seivane Rivas, aimait profondément l'instrument et a commencé en autodidacte à fabriquer des cornemuses pour le plaisir, avec la seule aide de son père, mais continua à exercer différents métiers jusqu'à ce qu'il pu monter un atelier à Ribeira de Piquín, dans la Province de Lugo. Il s'adressa à quelques premiers joueurs de cornemuse de son entourage, mais assez vite il pu élargir son champ d'action et dépassa les limites de l'Etat.
Nous, ses fils, Álvaro Seivane et Xosé Manuel Seivane, suivons ses traces depuis notre plus jeune âge. Si Xosé Manuel est resté travailler avec notre père à l'atelier, je me suis quant à moi installé à Barcelone en 1972 pour mes études de Maîtrise Industrielle et d'Ingénierie, tout en continuant à fabriquer des cornemuses dans un atelier, créé à l'image de celui de mon père. Mais en 1986, je suis revenu en Galice avec le projet de créer, avec mon père et mon frère, el Obradoiro de Gaitas Seivane. Projet qui a motivé notre réunion au sein d'un "nouvel" atelier, à Cambre dans la province d'A Coruña, dans lequel j'ai la chance de pouvoir vous recevoir aujourd'hui.

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La 3e génération de la famille Seivane participe désormais à la fabrication des instruments de musique. Qu'y a-t-il de particulier à travailler en famille ?


Davantage qu'un environnement familier, proche et intime, il est très important que dans une famille il y ait l'amour de la musique et de la construction des instruments, et que cela soit à la fois un travail et un passe-temps! Nous avons par ailleurs la fierté de poursuivre une tradition débutée il y a de nombreuses années par notre patriarche, la satisfaction de prendre soin de son héritage.

 

Combien de personnes oeuvrent dans l'entreprise ? Combien font partie de la famille ?


Nous formons tous une famille en réalité, mais dans cette équipe de neuf personnes, la moitié sont de la famille directe.

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L'atelier Seivane jouit d'une renommée mondiale, vous avez été récompensés par de très nombreux prix, et vous venez d'obtenir, en 2013, le prestigieux Prix National de l'Artisanat Traditionnel. Félicitations ! 
Avec quelles régions du monde avez-vous le plus de connexions ?


Au départ, nous avions davantage de connexions avec les pays marqués par les migrants ayant des racines galiciennes, comme la Suisse, l'Argentine, le Chili ou le Mexique ou bien en Espagne, Leon, Barcelone, Madrid, etc. Mais aujourd'hui, la cornemuse a traversé les frontières, et au delà, nous exportons pour des personnes d'horizons très différents, sans lien apparent avec la Galice et qui parlent des langues aussi diverses que le français, l'italien, l'anglais, l'allemand, le russe ou encore le japonais. Le premier ambassadeur de la Galice est même désormais la cornemuse, les musiciens viennent seulement ensuite visiter la Galice pour découvrir l'environnement de fabrication de leur cornemuse et notre culture. Cette popularité est due à la cornemuse qui est un instrument très polyvalent et malléable pour faire de la musique, adaptée tout aussi bien à d'autres cultures que la nôtre.

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Qu'est-ce qui a fait la renommée de votre atelier ?


Nous ne savons pas quelle en a été la clé, mais nous sommes perfectionnistes et de fait jamais satisfaits, notre objectif est l'excellence. Nous essayons toujours de faire un peu mieux et d'obtenir un peu plus de nos instruments, ce qui se traduit parfois par un succès dans nos réalisations. Notre sérieux doit y être pour quelque chose également. Le monde est très grand mais pourtant très petit à la fois, étant donné les nouvelles technologies de communication. Nous avons obtenu grâce à la vente en ligne un tout nouveau public qui, sans nous connaître de visu, nous accorde une grande confiance en se fiant à nos bonnes références. Le bouche-à-oreille peut bel et bien jouer un rôle à l'échelle internationale !

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La musique était-elle essentielle pour vous depuis tout petit ?


Absolument, et la première musique que nous écoutons, pratiquement tous, c'est la cornemuse, et la plupart d'entre nous dès le ventre maternel. Voilà surement pourquoi nous avons constaté que les nouveau-nés de notre famille trouvent la cornemuse très naturelle, et n'ont pas peurs en nous entendant jouer, en particulier lors des fêtes de famille. Par exemple Brais (le petit-fils d'Álvaro) lorsqu'il était plus jeune, pensait que tous ses camarades jouaient d'un instrument et leur demandait systématiquement duquel.

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Rêviez-vous de reprendre un jour les rênes de la fabrication ?


Les générations qui se succèdent ici poursuivent le rêve de notre patriarche. Il aimait la cornemuse et la musique, et depuis l'enfance rêvait d'être en mesure de construire son propre instrument. Il ne se contenta pas de cela, après avoir combiné de nombreux métiers (les temps étaient difficiles quand il a commencé, il a construit sa première cornemuse en 1939), il est parvenu à se consacrer entièrement à sa passion, à en faire son métier. Si cela correspond pleinement aux aspirations des jeunes générations, c'était incroyable à l'époque d'espérer vivre de sa passion! Il n'imaginait d'ailleurs pas que nous irions si loin, je me souviens de tant de fois où je l'ai entendu dire

 

 

"quand je regarde en arrière, je ne peux pas y croire."

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" Si cela correspond pleinement aux aspirations des jeunes générations, c'était incroyable à l'époque d'espérer vivre de sa passion ! "

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Y a-t-il eu une part de don dans votre chemin d'apprentissage ?


Nous avons surtout la chance d'avoir été formés à la construction d'instruments par celui qui reste pour nous le grand maître, notre père. De lui nous avons appris très jeunes et presque sans nous en rendre compte, les secrets du travail quotidien et la capacité à se rappeler le son à écouter.
 
Quels types de cornemuses fabriquez-vous ici ?


En plus de la cornemuse de Galice, sous ses diverses formes, nous avons le projet de contribuer à la création de cornemuses en apportant notre grain de sable à l'édifice de la récupération et du soutien d'autres cornemuses. Nous fabriquons donc aussi des cornemuses dites "Boto Aragonesa", "Sac de Gemecs Catalan", "Asturiana" et "Galles".

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Comment se passe la fabrication d'une cornemuse ?


Chacun de nous contrôle l'ensemble des étapes du processus de production afin d'offrir les normes de qualité de l'instrument que nous exigeons.
Le processus se découpe en plusieurs étapes. Après obtention d'un bois parfaitement sec, les sciages s'effectuent avec un panel d'outils rigoureusement adaptés aux mesures variées des pièces de la cornemuse. En commençant par le tournage, les trous intérieurs, l'alésage et les ébauches… étapes alternées avec des phases de repos du bois. Et se poursuit avec le cerclage, le polissage et l'application du vernis, puis vient l'assemblage des différentes parties de la cornemuse avec sa robe et les franges. Une fois ces étapes réalisées, l'accord d'essai est vérifié durant une semaine avant que la cornemuse ne soit prête à être livrée.

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D'où proviennent les matériaux que vous utilisez pour la fabrication de vos cornemuses ?


L'élément principal d'une cornemuse est le bois. Nous avons biensur du Buxo de Galice, mais nous importons également du bois d'autres endroits du globe, comme le Granadillo du Mozambique ou de Madagascar, du Cocobolo du Mexique ou du Nicaragua, du Palo Santo et du Campinceram du Brésil, et du Palo d'Angola.

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Chaque cornemuse Seivane est-elle unique ?


Nous fabriquons essentiellement des instruments à la commande et un joueur de cornemuse peut choisir presque chaque détail de son futur instrument, alors disons que deux cornemuses d'un même modèle peuvent se ressembler, mais ne seront jamais jumelles. La teinte, le bois, les anneaux, le tissu, etc, tout est personnalisable. Vous pouvez aller jusqu'à inclure des gravures sur les anneaux, dans le bois, voire ajouter un nom sur l'instrument ou une courte phrase… Voilà pourquoi il est difficile de trouver deux cornemuses exactement de même l'esthétique, nous nous adaptons aux goûts de chaque personne.

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Avez-vous déjà eu l'occasion de faire des collaborations, de travailler sur des projets singuliers ?


Tout au long de ces années, nous avons travaillé avec divers organismes. Comme dans le Projet Idigaita de I+D+I, avec le Groupe Sonitum de l'Université de Vigo, ainsi qu'avec le CTAG (Centre Technologique Automobile de Galice) dans la recherche de nouveaux matériaux "points verts", alternatifs au bois, et aussi sur le recyclage des déchets du bois. Nous cherchons à obtenir pour nos cornemuses une parfaite stabilité physique, thermique et acoustique. En outre, nous travaillons actuellement avec Sargadelos à la construction d'une cornemuse spéciale… Cette légendaire usine de poteries galiciennes, très attachée à la culture de notre région, est un partenaire d'exception pour un projet. 

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Votre fille Susana est musicienne, une joueuse de cornemuse reconnue. Cela doit vous rendre fier, et puis quel merveilleux porte drapeau pour l'atelier Seivane ! Tous les membres de la famille Seivane sont-ils musiciens à leurs heures ?


Je suis très fier que Susana, avec sa musique, ait pu faire rayonner la cornemuse partout dans le monde au gré de ses tournées. Et oui en effet nous jouons tous d'un instrument, en majorité en amateurs, mais Susana est, elle, une sacrée professionnelle !

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Quid de la transmission de vos savoir-faire ?


La transmission des traditions et des connaissances est essentielle pour une culture. Nous apprenons, étudions, restaurons, innovons constamment, toujours avec l'idée d'améliorer l'instrument dans un profond respect de son passé. Au fil des ans, nous avons ouvert plusieurs cours pour former d'autres artisans. Il est d'ailleurs dit que entre 85% et 90% des cornemuses galiciennes sont le résultat direct ou indirect de l'"Ecole Seivane". Notre nom est devenu une référence dans le domaine de la cornemuse, et cela nous emplit de fierté.

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Qu'y a-t-il de plus gratifiant dans votre travail ?


En plus de pouvoir nous dire que nous avons le privilège de travailler à la fabrication ce qui est pour nous l'instrument roi de Galice, la cornemuse. C'est très agréable de partir d'un tronc pour construire un instrument. Lorsque cet instrument fait de la musique c'est déjà très gratifiant. Et ce sentiment ne fait que s'amplifier quand vous voyez la quantité de gens qui apprécient la cornemuse ou quand par exemple ils viennent chercher une cornemuse avec la même intensité sentimentale que si un membre de leur famille était né et tous arrivent pour assister à ce précieux moment..! 
Quand on pense que cela arrive avec des Japonais, ou même avec de plus proches voisins, Français, Italiens, Allemands, qui auraient simplement pu recevoir leur cornemuse par transporteur, c'est assez impressionnant. Mais on comprend qu'ils ont vraiment envie de la recevoir de nos mains… chaque rencontre est très enrichissante.

<b>Quels visages prend une journée " type " pour vous ?</b>
Nous réfléchissons en permanence à la façon d'améliorer la cornemuse. Chaque jour réunit son lot de préoccupations, de recherches et de temps d'étude de l'instrument. Durant une journée classique, nous avons à nous charger en parallèle des activités de construction et des échanges avec le public. Plus occasionnellement, nous assurons aussi des visites de l'atelier pour des groupes de scolaires, de professionnels de différents secteurs, ou d'amateurs de musique de tous les pays. Nous pensons qu'il est très important pour l'Espagne, de valoriser notre instrument et la diffusion de notre culture.

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LE SITE
Volteiro, 1-B - 15650 Cecebre, Cambre, A Coruña, Espagne

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